Le poisson gros-yeux

En bordure de l’Amazonie, la Guyane française recèle une biodiversité extrêmement riche, tant du point de vue floristique que faunistique, terrestre ou aquatique. Constituée à 90 % de milieux naturels, elle abrite à elle seule plusieurs milliers d’écosystèmes, aussi fragiles que diversifiés. Un patrimoine écologique exceptionnel qui attire chaque année touristes et scientifiques du monde entier.

La Guyane constitue également l’une des plus grandes réserves d’eau douce de la planète.Plus de 400 espèces de poissons y ont été recensées, dont certaines se démarquent par leurs caractéristiques uniques et tout à fait surprenantes.

C’est le cas du poisson gros-yeux, ce mystérieux animal qui s’épanouit au milieu des mangroves, forêts marécageuses situées le long du littoral.

 

Le poisson gros-yeux : qui est-il ?

Également connu sous le nom de « quatre-yeux », ce poisson est une espèce du genre Anableps.

Malgré ce que l’on pourrait croire, l’animal ne possède que deux yeux, et non quatre. Chaque œil se divise néanmoins en deux parties horizontales, dont la cloison se situe à la hauteur de la ligne de flottaison. C’est cette caractéristique si particulière qui a valu à l’animal le surnom de « quatre-yeux ».

L’appellation « poisson gros-yeux », d’origine créole, fait référence à l’aspect particulièrement imposant de ses globes oculaires.

Lorsqu’il se trouve à la surface de l’eau, l’Anableps peut voir simultanément ce qu’il se passe sous l’eau et à l’air libre.

Car au-delà d’une simple division physique, les deux parties de l’œil possèdent une génétique légèrement différente : la partie supérieure est adaptée à une vision aérienne, tandis que la partie inférieure offre une parfaite vision sous-marine.

Une architecture étonnante qui fait de cette espèce une créature unique en son genre.

 

Le mode de vie des poissons gros-yeux

Originaires d’Amérique du Sud, les poissons gros-yeux se déplacent exclusivement en groupe, dans les eaux douces des rivières ou dans des forêts de mangroves. Couvrant près de 80 % du littoral guyanais, ces forêts se développent dans des sols marécageux et des eaux troubles, qui ont la particularité d’abriter de nombreux prédateurs. C’est pourquoi les Anableps vivent essentiellement en surface : ils peuvent ainsi guetter les proies aériennes, comme les martins-pêcheurs, avec la partie supérieure de leurs yeux.

En parallèle, la partie inférieure de leurs yeux leur permet de surveiller les prédateurs aquatiques, comme les caïmans.

La coloration marron de ces poissons constitue également un camouflage idéal pour se cacher dans les eaux boueuses et échapper ainsi à la vigilance des prédateurs.

Côté nourriture, les poissons gros-yeux chassent presque toujours leurs proies en surface : insectes, crabes et petits poissons. Le milieu marécageux des mangroves n’offre que très peu de nourriture en profondeur, les poissons ne plongent donc que très rarement sous l’eau.

 

Les mystères de la génétique

Du fait de leurs caractéristiques uniques, les poissons gros-yeux sont à la base de nombreuses études scientifiques.

Les biologistes s’y intéressent dans le cadre de la recherche oculaire, afin de comprendre les mystères de cette vision si particulière. De récentes découvertes ont d’ailleurs mis en lumière le rôle de l’ADN dans l’adaptation de chaque partie de l’œil à son milieu environnant. Un sujet qui n’a pas fini de fasciner les biologistes du monde entier.